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res.in
9 novembre 2008

Thème: Neurosciences, génétique, et dispositifs.

"Les Tables de la Loi sont inscrites dans l'ADN et les chromosomes". (Jean-Pierre Changeux, L'homme neuronal).


Le développement des connaissances sur le cerveau et ses réactions physico-chimiques, ses multiples connexions neuronales, sa cartographie et ses mécanismes, sur les fonctions de la génétique (et de l'épigénétique)... bref, la compréhension de "l'homme neuronal", de "l'homme hormonal" et de ses déterminations biologiques, implique une problématique générale, presque obsédante lorsque s'ouvre le débat bioéthique, et une critique sur l'idéologie des sciences: Que faire du sujet lorsque l'exigence est l'objectivité et la rationalité? (Le sujet semble échapper, ou du moins tendre vers une indétermination...). L'idéal ou le spectre de "l'homme machine" de La Mettrie, la connaissance des mécanismes comportementaux, se confrontent à une responsabilité, à une appropriation de soi, à une approche de la subjectivité. Jusqu'où pousser la recherche sur l'organisme? Et quand pouvons-nous séparer ce qui est de l'ordre du traitement médical (dépistage de maladies de cause génétique, ou moléculaire (anémie falciforme par exemple), thérapies géniques etc.) de l'excès? Car la recherche correspondant à une raison théorique et pratique (usage thérapeutique) subit des inflexions, des vulgarisations, et des utilisations dans un cadre qui n'est plus seulement le lieu exclusif du laboratoire: Elle entre dans une circulation de flux... celle d'un dispositif révélateur d'une idéologie qui "objective", "chosifie"... Dispositif défini par M.Foucault comme
"Un ensemble résolument hétérogène, comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des décisions réglementaires, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques, bref: du dit, aussi bien que du non-dit. Le dispositif lui-même, c'est le réseau qu'on peut établir entre ces éléments."
"L'objectivation", ou "biologisation", "suture" le sujet (Le terme de suture signifie que le sujet qui traite objectivement un problème s'objective du même pas (chaque fois provisoirement)).Elle contamine le discours extérieur au champ de la recherche (Ignorant maintenant pourquoi ils vivent, les hommes sont prêts à croire que leurs gènes les programment, le public non informé va considérer que la suture du sujet fait partie du résultat. De sorte que les effets de l'idéologie de la science sont plus impressionnants pour les non-scientifiques que pour les chercheurs)... et va parfois jusqu'à la caricature (nouvelles formes de phrénologie, déclarations tapageuses comme celle de Nicolas Sarkozy face à Michel Onfray, sur le gène pédophile ou du suicide, sur l'innéisme, etc.).
Ce discours croise des institutions (et leurs pratiques, comme l'utilisation des facteurs génétiques et neurophysiologiques dans la criminologie, la psychiatrie et sa médication pour traiter névroses et psychoses en tout genre), s'incarne dans des lieux (prisons, hôpitaux, etc.), débouche sur une juridiction (Article 16 du Code Civil; nouvelles peines contre les personnes, y compris celles jugées "irresponsables") et des pratiques parfois répressives, identifiant le corps objectivé à un patrimoine, puis recensant, fichant, localisant (Biométrie, dérives du traçage génétique comme les tests ADN, par exemple).
Bref, l'idéologie diffusée par les dispositifs de pouvoir "rêve d'un corps autiste sans parole, d'un temps où "on" ne contredirait plus, où "on" mesure. L'existence d'un sujet contredirait l'enchaînement autarcique des causes et des effets, relancé par un infini feed-back et depuis toujours écrit dans les gènes". (Gérard Pommier, Comment les neurosciences démontrent la psychanalyse).
Elle prolonge ainsi le rêve du Golem de la légende hébraïque (où un homme réussit à animer une statue de boue).

La question passe donc par la compréhension de la capture des connaissances et des cartographies scientifiques par des dispositifs, des circulations de pouvoir qui, par la volonté d'objectiver (suturer) la subjectivité, identifient et constituent des rapports à soi et au "corps propre".

Mathieu.


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