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res.in
24 novembre 2008

urbanité parisienne: l’évolution du concept, ou la défense d’une ville vivante

la ville est aujourd’hui l’habitat de plus de la moitié de la population mondiale, mais ce n’est pas parce que ce seuil est enfin franchi que la ville doit être étudiée. La ville n’est pas seulement la concentration de l’habitat humain : elle est surtout, grâce à sa diversité et a sa densité, ce qui concentre les échanges et les activités (économiques, politiques, intellectuels, culturels) et permet l’interaction entre les hommes.  Jacques Lévy résume ceci, très clairement, dans sa formule: “la ville est un géotype de substance sociétale fondé sur la coprésence”. C’est, depuis des millénaires, et de plus en plus avec la mondialisation, là ou se rassemble l’humanité (non plus au sens démographique mais ontologique). Les urbanistes et autres géographes, sociologues ou historiens n’ont d’ailleurs, bien sur, pas attendu 2008 et la généralisation du fait urbain pour se pencher sur la question.
La ville doit être l’objet d’étude des sciences humaines parce qu’elle est l’oeuvre fondamentale de l’homme, et de ce collectif parce que l’homme en la façonnant se façonne lui même et qu’ainsi l’urbain, ou plutôt les différentes formes d’urbanités, participent au processus de subjectivation. En effet, notre définition de l’urbanité, c’est à dire ce qui fait de la ville une ville, concept qui diffère selon les sociétés et les époques, détermine les évolutions urbaines et ainsi conditionne notre milieu et nos modes de vie.
Dans le cadre de ce collectif de cet “espace de dialogue”, je propose donc l’embryon d’une réflexion sur le concept d’urbanité, à partir de l’étude des dynamiques et des politiques urbaines actuellement mises en place ou imaginées à Paris.

Alors que la population mondiale afflue massivement vers les villes, certaines villes des pays du nord se vident (entre 1990 et 2000, 40% des villes du Nord se vidaient). Paris connaît ce genre de dynamiques, même si ce n’est pas le pire des cas.
Au XIX et XXe siècles, Paris et ses environs ont accueilli de forts flux de population, dû aux révolutions industrielles (exode rural), au développement de la société de service, au rayonnement sans partage de l’agglomération au sein du territoire Français, imposé depuis l’Ancien régime. Cependant, depuis la fin du XXe siècle, on constate une nette évolution de ses logiques démographiques : si le nombre de la population de l’Ile de France continue d’augmenter, il ne le fait que grâce à l’accroissement naturel : son solde migratoire est dorénavant négatif.

Quelques chiffres et statistiques pour appuyer mon propos:
Entre 1990 et 2005, la population d’Ile de France a augmentée de 0,62% par an, en moyenne : c’est la même évolution que dans toute la France. Cela dit, le solde migratoire est en recul de 0,26% par an, c’est-à-dire qu’il y a plus de gens qui quittent Paris que de gens qui viennent s’y installer (la différence étant absorbée par l’accroissement naturel, plus fort dans cette région que dans le reste de la France). Encore plus flagrant, La population de Paris intra muros est passée de 2 125 246 habitants en 1990 à 2 166 200 habitants en 2007, soit une ridicule augmentation de 1,9%, en plus de 15 ans, avec même une chute de 27000 habitants entre 90 et 99.  Ces chiffres, qui prouvent une stagnation de la population parisienne, montrent que Paris et ses environs, s’ils concentrent toujours la grande majorité des flux de capitaux, des fonctions de commandement, d’éducation et de culture Françaises, et qu’ils restent le bassin d’emploi le plus important de France, ne jouissent plus de leur capacité de rayonnement, pour l’habitat tout au moins.

Trois causes pourraient expliquer cela:
- la région parisienne n’est plus capable, physiquement, si je puis dire, d’absorber de nouveaux habitants;
- les Français et autres immigrés, et même certains parisiens “de souche” ne considèrent plus Paris comme vivable, comme attractif d’un point de vu de ses conditions de vie;
- La décentralisation, cheval de bataille des politiques d’aménagement du territoire en France depuis les années 60 avec, notamment, les actions de la DATAR, reprises par la DIACT depuis 95, est efficace et on en ressent maintenant les effets sur la démographie parisienne (alliés au effets de l’héloitropisme...).

Ces trois causes se mêlent, à mon avis, (même si la troisième est plus isolée et très particulière à l’espace français; on la laissera de coté pour l’instant, bien que son étude peut être intéressante et fondamentale).
les deux premières explications se rejoignent et sont en fait totalement entremêlées, c’est notamment rerquable par l’étude des prix du foncier et du locatif parisien, et de l’évolution du parc de logement. Les loyer et les prix du foncier à Paris augmentent considérablement (+83,1% depuis 1998 pour les logements anciens par exemple contre +70% dans le reste de la France). Parallèlement à cette hausse fulgurante des loyers, la commune de Paris est la seule zone en France dont l’évolution du parc de logements (nombre des logements) est négatif (-0,21%) entre 82 et 90. Dans la proche banlieue (dans les départements limitrophes du 92, 93 et 94) l’évolution du parc de logement a connu une faible augmentation de moins de 10%; le record est détenu par les départements de Haute Garonne (Toulouse) et du Var, avec plus de 20% d’augmentation.
Paris connaît évidemment une crise du logement (on a tous pu s’en rendre compte)! Vivre dans les limites administratives de Paris (qui n’ont, soit dit en passant, pas évoluées depuis l’ancien régime) est devenu un luxe. Vivre dans Paris implique de nécessaires sacrifices, notamment financiers : la propositions des dépenses des ménages dédiés au logement dépassent souvent 50% à Paris, à l’instar des dépenses consacrées à l’éducation, au loisir, à la culture,... (d’où le caractère invivable de paris pour certains)
Le centre de l’agglomération parisienne n’a désormais plus la place pour le logement (c’est en partie la raison de l’emballement des prix), et relègue cette fonction en périphérie. La croissance de l’agglomération parisienne se fait donc en tache d’huile (comme c’est le cas de toutes les villes en expansion). Ainsi se développent un urbanisme de zones socio-spatiales (ou zoning qui consiste à établir des fonctions pour chaque zone urbaine, ce qui a schématiquement pour conséquence une répartition sociale des habitants dans ces différentes zones selon le prestige des fonctions attribuées, et donc la paupérisation voire la guéttoisation des périphéries et la gentrification du centre, voire sa desertification...); et avec ce zoning, apparaissent d’énormes problèmes  stratégiques et politiques (transports, migrations pendulaires, crises des banlieues...).
L’agglomération ne peut plus être pensée en terme administratif, en terme de limites de commune, mais comme un ensemble de relations centre/périphérie (Paris intra muros serait le grand centre, les communes limitrophes, les périphéries proches, et ainsi de suite).

Se pose alors la question de l’évolution des mentalités urbaines et de l’urbanité: quelles sont et quelles doivent être les fonctions de la ville, et que doit être leur répartition au sein de l’espace urbain?
Parce que la définition de Base de la ville commence à être nuancée: la notion de distance est à nouveau introduite, ainsi, la diversité n’est plus assurée puisque chaque zone est dédiée à une fonction: le centre de Paris concentrent les fonctions de commandement, de culture et en partie de commerce; le gros des activités économiques est circonscrit en proche banlieue, à la Défense; et l’habitat se trouve en périphérie. Ainsi l’interaction n’est plus maximum, et le centre géographique, qui devrait aussi être le centre stratégique, peut être évité par des milliers de Franciliens qui se contentent de migrer d’une banlieue à une autre (253 000 personne se rendent tous les jours à la défense et la plupart ne vivent pas à Paris).
Et ces conceptions urbaines, bien implantées en Amérique du nord ou même à Londres par exemple, vont à l’encontre d’un idéal urbain historique français, qui a comme fondement le modèle des villes romaines et médiévales qui concentrent sans distinction les fonctions urbaines. Même au XIXe siècle avec la révolution haussmannienne, la mixité sociale et fonctionnelle, donc la diversité, sont respectées : toutes les classes sociales se côtoient dans l’immeuble haussmanien, de l’entre sol aux chambres de bonnes. Enfin au XXe siècle et jusqu’à très récemment, la diversité culturelle avait été conservée dans le grand centre de Paris (avec des quartiers comme Belleville, la Goutte d’or, le XIXe arrondissement...) alors qu’elle avait totalement disparue d’autre centres occidentaux.
C’est cette diversité que nous sommes en train de voir disparaître avec les logiques actuelles, avec les dynamiques urbaines spontanées (comme la hausse des prix des logements), c’est celle-ci que je défend ici. La ville et le centre ville devraient idéalement parvenir à concilier habitats et fonctions prestigieuses et économiques, et ceci ne serait possible, à l’heure actuelle, que grâce à des politiques de la ville maîtrisées et réfléchies.
La mairie de Paris met en place en ce moment une multitude de projets d’aménagement urbain : rénovations (démolir puis reconstruire entièrement comme dans le XIIIe) ou réhabilitation (garder l’enveloppe externe et reconvertir ou moderniser comme dans le 104 du XIXe arrondissement).
Le plus grand chantier urbain global lancé actuellement à Paris consiste à rénover les “zones” non optimisées, entre les boulevards des maréchaux et le périphérique, là où il reste encore un peu de place ( le Grand Projet de Renouvellement Urbain de Paris, G.P.R.U, se concentre sur les quartier de la couronne parisienne, de la Porte des lillas à la porte de Vanve: au total, 13 quartiers). 
Un autre grand projet commun entre les communes de Paris, Saint Denis et Abervillier vient d’être signé : le projet d’aménagement intercommunal “gare des mines / fillettes” (création d’un nouveau quartier).
Ainsi les grands projet d’aménagement de Paris s’insèrent dans l’idée d’un Grand Paris, idéal urbain convoité depuis des années, mais dont la réalisation administrative semble bien trop complexe pour l’instant (à ce propos, voir le numéro d’octobre 2008 de la revue Esprit). Tous ces aménagements visent à développer en effet la périphérie de la commune de Paris et à terme à favoriser les liens intercommunaux (c’est aussi dans cette logique qu’on enterre peu à peu tout le périphérique). Les politiques urbaines de Paris vont donc dans le sens d’une extension verticale de l’agglomération.

Cependant le problème du zonage fonctionnel et socio-spatial n’est pas résolu.
Paris se vide toujours de ses habitants, les affaires se font à la défense: Le risque, à terme, serait une totale muséification de Paris. Si l’on délocalise l’habitat, après avoir délocalisé les fonctions économiques (même si ce n’est pas entièrement le cas) en banlieue, la ville de Paris finirait au mains des parlementaires et des touristes(déjà 26 millions de touristes emplissent Paris chaque année), ce qui scléroserait totalement son évolution, ferait de paris un objet historique que l’on ne pourrait modifier pour cause de sacralisation du patrimoine...
Or c’est ainsi qu’on pourrait faire mourir Paris.
A quand la Sorbonne assaillie par les touristes, et les étudiants tous parqués à Nanterre ou à saint Denis (déjà qu’il est décemment impossible de se nourrir ou de prendre un café dans le quartier latin pour cause d’intérêts touristiques)?

Conserver les logement à Paris (et dans TOUT Paris) pourrait permettre de renverser cette tendance et d’éviter cette sclérose...

Je ne prône pas ici un rasage systématique et total de Paris et de tous ses monuments: c’est évident, mais je tiens à le préciser (parce que fut fait, par Haussmann, puis prôner, notamment par le Corbusier).
L’idéal serait la réhabilitation pertinente de Paris (garder l’enveloppe externe mais changer ou rétablir ses fonctions), par exemple en respectant la loi  sur la solidarité et le renouvellement urbains (SRU) qui impose à toutes les communes de plus de 3500 habitants au moins 20% de logements sociaux au sein de son parc logement. A Paris, on est loin du compte (15% des logements à Paris sont des logements sociaux), c’est encore plus flagrant si on regarde par arrondissement : aucun arrondissement du centre de Paris ( les dix premiers) ne comptent plus de 10% de logements sociaux (seulement 1,2% du 7e, 1,7 dans le 8e, 2,4 dans le 6e... contre 34,8% dans le 19e, ou 31% dans le 13e). Peut être faudrait il commencer par là pour rétablir la diversité et la mixité dans le centre de la ville.

Une nouvelle idée semble fleurir : les tours de logements. En effet, depuis le mois de juillet 2008, Bertrant Delanoë, chapeauté par Nicolas Sarkozy, a ouvert un nouveau chantier idéologique:  réintroduire la tour à Paris (seule solution selon lui pour atteindre son objectif de 27000 logements neufs avant la fin de son mandat). Le plan local d’urbanisme plafonne actuellement les constructions à l’interieure de Paris à 37 mètres, soit 10 étages, et le Maire voudrait élever ce plafont à 50 mètre. Mais l’idée de la tour de logement est tenue en horreur par les Français et particulièrement par les parisiens (un sondage mené en 2003 montre une massive opposition des Parisiens).  Le traumatisme dû au constat d’échec des grands ensembles, dernier exemple français de tours de logements, est en effet encore très présent dans les esprit... Le maire de Paris propose donc de “réintroduire la hauteur dans la ville sans reproduire les erreurs du passé” (dans un article du Monde du 8/07/2008) : c’est-à dire, en substance, réintroduire les tours sans leur dalle.
Aucun projet n’est encore sérieusement abouti, aucun concours architectural n’est vraiment lancé ou entériné...
Cependant, ce chantier fait parler de lui, notamment dans la presse, notamment cet été ( dans Le Monde, 20 minutes, Les échos, le JDD...). Cette médiatisation est sans doute volontaire, la mairie mettra du temps avant de construire ses tours, mais elle prépare mentalement d’ores et déjà les parisiens au changement du paysage urbain : Anne Hidalgo prévient en effet dans une interview au journal du dimanche, le 23 mars 2008 : “Paris va changer de visage!”
Conserver les logements dans le centre de l’agglomération parisienne impliquera ainsi de nécessaires sacrifices et l’évolution de notre vision de la ville (en particulier de la vieille ville plate à l’Européenne). Le paysage urbain va devoir évoluer pour permettre un redynamisme de Paris, une réhabilitation de Paris comme ville totale, c’est-à-dire complète.

L’évolution actuelle de Paris engage de toute façon une revisitation du concept français d’urbanité:
-une revisitation fonctionnelle: parce que si le zoning n’arrête pas de se développer, le centre de l’agglomération perdra définitivement certaines de ses fonctions fondamentales (diversité et densité, logement et interactions) et en sur-concentrera d’autres (le commandement, principalement). Paris deviendrait ainsi une des “villes globales” que décrit Saskia Sassen, avec tout ce qui s’en suit!
- Ou une revisitation par l’évolution du paysage urbain : parce qu’il faudra changer de conceptions architecturales, et accepter un développement vertical de la ville, pour limiter son développement horizontal, maitriser le marché foncier et éviter sa dénaturation.

Voulons nous d'une ville seulement fonctionnelle au niveau mondial, c'est-à-dire concurrentielle au sein de la mondialisation, ou d'une ville à échelle humaine, où l'homme pourrait encore s'épanouir? J'espère que ces deux critères peuvent encore coexister...

désolée, c'est très long, je ne me suis pas rendue compte, j'espère que quelques uns d'entre vous le lirons en entier, et excusez mes fautes d'orthographe...
juliette

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Commentaires
A
moi je pense que ville fonctionnelle et ville à taille humaine sont inconciliables et j'opte pour la ville à taille humaine !
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