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res.in
21 novembre 2008

Du droit à la violence raisonnée

Du droit à la violence raisonnée

Mathieu 

Camille 

1. L’évolution des délits : la violence extérieure à, et punie par, la sphère politique

a. Le jugement juste doit-il être relatif à « l’intention » ou à la protection de la société?

La question de l’intention (et par conséquent de la responsabilité) croise semble-t-il celle de la « légitimité » de la peine et du jugement. Légitimité en tant que  tout délit est perçu comme trahison, voire rupture, du rapport (ou de la convention) établi entre l'individu et  la société. Lorsqu’un juge condamne, inflige telle ou telle sanction, il suppose la conscience de l’accusé au moment des faits, l'assentiment et la volonté… l’institue comme débiteur à l’égard de la victime, et à l’égard de la « société », n'ayant pas respecté le "contrat" liant chacun des partis. Juger, c’est alors affirmer et sanctionner l’identité du coupable et de son acte. C'est porter un regard sur la cause à partir des conséquences. C’est déclarer une action préméditée ou du moins, lorsqu’il y a la « circonstance atténuante » de l’involontaire, le caractère « évitable » du manquement à la loi. C'est enfin appeler à réparation, par l'intermédiaire de peines.

Néanmoins, si "intention" il y a, la nécessité du jugement est fondée sur le tort fait à "l'ordre social". Ainsi la protection de la société  et de sa cohérence (dont Beccaria, dans Des délits et des peines, indiquait déjà la prééminence), supporte l'édifice juridique des lois positives, vise à conserver le tissu général dans lequel s'inscrivent les subjectivités. Mais à quel prix? Et selon quels principes? Protéger  quelque chose de flou comme "l'ordre social" a des conséquences morales, éthiques, et pratiques. Quelle théorie de la justice est-elle posée comme axiome, ou même comme axiomatique? Les termes de ce qui est moral, de ce qui est juste,  sont parfois jugés soit comme évoluant avec les conditions sociales, soit comme relevant de principes a priori et universels (les "Droits de l'Homme" en sont un exemple éloquent). Il est alors malaisé de distinguer l'arbitraire, l'iniquité et "l'objectivité". La crise profonde qui traverse la psychiatrie et la prison en France participe de cette confusion entre le souci de protéger, jusqu'à la criminalisation à outrance, l'enfermement généralisé (apposer des cloisons) et la prise en compte des individus. 

Surgit en effet un problème quand résonne un quelconque déni, un « ce n’est pas moi, je ne l’ai pas voulu » de la bouche du « malade », du « malfaiteur », bref, du sujet qui est associé au désordre, qui est déclaré « fautif », ou de son avocat, de sa défense, bref une réponse à l'accusation. Un principe « d’irresponsabilité » peut s’agencer avec l’arbitrage, lequel doit statuer, après expertise, avis et preuves, sur « l’altération du jugement » à l’instant t. Maintes raisons peuvent entrer en compte, afin de déresponsabiliser… maints discours problématiques qui, au regard du juge, doivent être confrontés à l’autonomie présumée. Est-ce l’enfance, les conditions familiales ou sociales ? Est-ce une nécessité provenant des gènes et qui, dans ce cas, déterminerait absolument? Y a-t-il quelque pathologie, psychose, schizophrénie, etc. qui demanderait un traitement spécifique ? Le récent meurtre d’un étudiant de 26 ans par un schizophrène dans les rues de Grenoble (le 12/11/2008) a de nouveau provoqué l’émoi général, les réactions les plus spontanées des médias, des hommes politiques, de l'opinion. Et la réponse d’un psychiatre affirmant la difficulté pour les membres de sa profession d'assurer (avec les instances judicatrices) le risque zéro et la réintégration d’un patient hors des murs du lieu d'internement, excita là aussi l’incompréhension. Ce n’est pas à la science de prendre le rôle de l’Etat, du gouvernement… Qu’est-ce que cela veut dire ? Ces éminents chercheurs ne sont pas même capables de déceler la dangerosité de « leurs » patients ? La problématique de « l’intention », et du procès de celle-ci, mais aussi de la préservation d'un "ordre social", est complexifiée lorsque l’on doit discerner « normalité » et « pathologique »… car c’est demander de définir ce qu’est la « folie »… si le « fou », le « drogué », le « schizo », ou le « meurtrier » qui n’avait aucune prédisposition à son acte… doivent être identifiés à celui-ci. Chercher la manière de marquer les esprits, et affirmer une maîtrise de la situation. La manière de "dédommager" les victimes qui n'acceptent pas l'acquittement, même pour des soins. C'est par ailleurs statuer sur la validité de l’équation « moi=moi » (moi=mon acte). L’interrogation de la responsabilité répond à un sentiment, un émoi… « comment ? vous ne condamnez pas ? C’est un scandale ! », à une urgence… celle de la sentence et de la peine...  afin d'apaiser le trouble général.  Les velléités de Nicolas Sarkozy pour une prolongation des peines de ceux qui sont jugés comme d'une "particulière dangerosité" (loi de rétention de sûreté), ou encore la criminalisation progressive des maladies mentales (Réforme prévue des conditions d'internement qui rétablit les murs, et les contrôles, que le "secteur" tendait à rompre depuis les années 1970), sont signe d'une certaine judiciarisation et d'une "tournure sécuritaire" de la politique (une "politique de la peur?). De la même manière, sa déclaration affirmant la nécessité du procès, car « un procès, c’est faire le deuil », réclame de questionner le caractère inévitablement complexe, parfois quasi aporétique, qui entoure la question de l’intentionnalité associée à celle de "l'ordre social" (et de ce qui confère au jugement non pas sa légalité, mais sa "valeur"). Question croisée par des points de vue divergents, et souvent incompatibles avec la position en principe impartiale du juge… Question entre mauvaise foi, intérêts, et inconscience. Entre cristallisation et dissolution de la subjectivité.

b. La prise en charge de la vie crée de nouveaux délits par l’instance étatique

- Du fou au malade mental : créer prisons, hôpitaux, professions (psychiatres/ psychologues/ psychanalystes, etc.)

- Velléités de Sarkozy pour réformer le droit de la psychiatrie.

- Droit à la santé croisé avec d’autres intérêts, parfois flous (économique à sécurité sociale par ex.) et conduisent à la définition de nouveaux délits à interdiction de fumer, d’alcool pour les mineurs et plus généralement nouvelle législation pour la consommation d’alcool.

- Implication des Ministères (de la santé par exemple pour l’alcool et la cigarette) : droit à la santé.

- Ministère de l’intégration et de l’identité nationale à gestion de l’immigration clandestine.

c. Nombre de délits sont progressivement institutionnalisés pour faire l’objet d’un droit et sont le fait de « la rue »

Il faut essayer de d’analyser cette prise en charge de la vie pas seulement dans un rapport entre l’Etat et les « citoyens ». Notamment sur la question du droit à l’avortement, il est à mon avis difficile de dire que c’est seulement l’Etat qui prendrait en charge cette question. Dit autrement, dans quelles mesures l’institutionnalisation du droit à l’avortement répond à une demande sociale post-68 (féminisme) qui vient est ensuite captée par les institutions étatiques.

2. Typologie des peines : la violence est utile à la conservation de l’Etat

a. Le principe d’obligation, entre créancier et débiteur, à la source du droit

Nietzsche, Généalogie de la morale, Deuxième dissertation :

- La douleur :

o Un moyen mnémotechnique : comme la première fonction de la culture est de substituer à l’oubli (fonction vitale pour l’homme) la mémoire, afin que l’homme puisse promettre et devenir responsable, c’est-à-dire répondre de son avenir. La trace conserve ainsi sa fonction de dressage (elle est ainsi « moins souvenir du passé que prédictibilité de l’avenir »).

o Extérieurement, faire souffrir ou voir souffrir est un stimulant vital, une affirmation de la vie. Intérieurement, la douleur devient réactive : on en conclut à la faute de quelqu’un, puis, progressivement, à sa propre faute.

- La cruauté :

o Elle est d’abord un principe vital, le corrélat de toute effectuation de puissance. A la douleur, la vie répond par un instinct actif d’inhibition, qui est l’oubli.

o Le second niveau est la cruauté du processus de culture : il s’agit de produire plus de douleur que l’oubli n’est capable d’en inhiber (supplices, sacrifices, mutilations).

o Mais plus la mémoire devient efficace (permettant ainsi au supplice d’être plus tout mais tout aussi efficace), la cruauté ne disparait pas mais se spiritualise. La cruauté retournée contre soi-même est une espèce très subtile et raffinée de cruauté.

- Le châtiment :

o Il faut d’abord distinguer l’origine et le but du châtiment car l’explication par l’utilité n’est qu’a posteriori. Il ya a bien un acte « durable » à travers le temps, mais les significations qui s’y rattachent varient. Celles-ci sont nombreuses (réinsertion, protection de la Cité, purification du criminel…) mais au départ le châtiment est pure cruauté.

o Le châtiment est compensation, il s’intègre au rapport créancier/débiteur. Une dette impayée est une faute, et à l’origine on punissait en « passant sa colère » sur le débiteur ; si un équivalent est possible entre le dommage et la souffrance infligée, c’est bien parce que faire souffrir est un plaisir.

o La cruauté devenant un droit, celui-ci ne peut être élargi à toute la population, et sera alors médiatisé : on pourra « voir châtier » son débiteur, mais non le châtier soi-même. Le châtiment sera délégué à la loi qui fixera l’équivalence compensatoire. C’est la définition de la justice. Plus une société est puissante, plus elle peut se permettre de s’abstenir de châtier.

o Le châtiment pénal n’a donc pas son origine dans le ressentiment ; le sentiment réactif est « la toute dernière conquête de l’esprit de justice ». Il n’y a en effet avant le droit ni justice ni injustice, mais des effectuations personnelles de puissance.

o Le châtiment ne corrige ni ne guérit rien, il endurcit, rend plus prudent, plus circonspect, plus méchant peut-être. Car du point de vue de l’instinct vital, pâtir, c’est pâtir, et toute violence appliquée par une puissance agissante entraîne une puissance de réaction proportionnelle.

o La généalogie de l’hypothèse religieuse est donc celle du retournement de la vie contre elle-même en l’homme. La dette du christianisme devient infinie et crée la fiction d’un débiteur universel, Adam. Compensation : Dieu seul peut racheter l’existence et au lieu d’être un dieu qui châtie, il se sacrifie lui-même pour le débiteur, par amour. C’est-à-dire, la volonté de l’homme de se sentir coupable au point de ne jamais pouvoir être racheté 

- La philosophie politique :

o Dans la tradition hobbesienne, le droit naturel, c’est tout ce que peut l’homme pour préserver son existence. Cela implique donc un état de nature présocial ; or si Nietzsche pense en termes de puissance, de guerre et de distinction entre un état de nature et un état social, il s’éloigne du paradigme hobbesien en ce qu’il ne définit pas la puissance comme un instinct de conservation. La puissance active est puissance de conquête, de création de formes de valeurs. Nietzsche introduit la notion de cruauté comme « droit naturel ». La volonté de puissance, ce n’est donc pas un désir de dominer ou d’obtenir quelque chose, mais de confrontation avec des forces opposées pour sentir sa différence dans la jouissance d’une douleur.

o Hobbes et Rousseau définissent une théorie du contrat à laquelle Nietzsche s’oppose. Le droit est certes la substitution d’un ordre social à la volonté de puissance biologique, mais Nietzsche conserve la hiérarchie des puissances en fonction de leur type. C’est pourquoi Nietzsche ne considère pas le contrat social comme un transfert qualitatif de puissance (abandon consenti du droit naturel au profit du droit civil) mais comme une « mimique de l’état de guerre ». Hobbes et Rousseau ont raison mais d’un point de vue réactif…

o Pour Hegel, l’émergence de toute figure a pour condition la dissolution de l’ancienne, qui pourtant se conserve en tant que sa dissolution a été nécessaire ? L’existence d’autrui est essentielle à l’existence de ma conscience comme conscience de soi. Cette prise de conscience nécessite également une reconnaissance de soi par autrui. Or, selon Nietzsche, seul l’esclave conçoit la puissance comme l’objet d’une reconnaissance, une compétition dont l’enjeu est la conformité à des valeurs établies. La reconnaissance par autrui n’est pas affaire de maître, et Nietzsche revendique une différence vitale, positive, et non un concept abstrait de contradiction.

- La notion d’obligation suppose (déjà) un sentiment de devoir, i.e. la conscience d’une discipline que l’on fait intérioriser à des « sujets » de droit. Les droits supposent des obligations envers la société, envers l’Etat : le contrat est la motivation de celui qui fait la peine.

b. Les mesures disciplinaires et le traitement des individualités

- Une question de sélection, de dressage, de marquage des corps (cf. Nietzsche, Foucault). Conditions des détentions/ La médication dans les hôpitaux (traiter le « malade »)… et les processus de « réinsertion » ou abandon des condamnés, une fois leur libération.

- Surveillance (cf. Article d’Arthur) et fichages…

c. L’utilisation d’une norme pour gérer des collectivités

- La Loi… comme notion croisant à la fois la dimension normative, les interdits, et les violences qui se dressent contre les « passions » et les « pulsions ».

- L’éducation

- La classification. Cf. Gérard Noiriel dans son introduction aux Ouvriers dans la société française. L’Etat, en France, comme centralisation, ou totalisation, du pouvoir crée des classes, des groupes, englobe, afin d’identifier une masse confuse, à une identité commune, individualiser, et rendre docile. (salariés, patrons, syndiqués, etc.)

- La spatialisation ségrégation socio-spatiale avec les gated communities, entre autres. Stigmatisations de l’individu à ses quartiers, etc.

- Des dispositifs (qui procèdent par « sacralisation » cf. Foucault et Agamben).

3. La souveraineté et la violence décisionnelle

a. Les caractéristiques de la souveraineté : langue, territoire, histoire…

- Rendre l’homme prévisible tend à la constitution de « territoires existentiels » procédant par des syntaxes signifiantes, des structures (langue par exemple), territoires ou visages (Deleuze Guattari).

- La notion d’histoire, ou d’historicité. à Par exemple, la violence du symbole (qu’est-ce qu’une commémoration (la fonction de la mémoire dans l’imaginaire collectif, et le rassemblement des masses) ?, une image comme Marianne, Jeanne d’Arc dans la bouche d’un Sarkozy ou d’un Le Pen. La place du mythe est emblématique (rassembler par une histoire qui remonte à un passé immémorial et qui excite la fierté nationale). L’appel à l’identité, au sentiment, pour légitimer l’adhésion à telle autorité.

b. La place de l’Etat vis-à-vis de la politique

- L’exemple de son rôle dans la signification de l’espace qu’est « la rue ». Face à l’instabilité d’une rue qui a été le terrain de révolutions au XIXème siècle, l’Etat a progressivement politisé cet espace (tout d’abord la question du Suffrage Universel qui a permis de rendre illégitime les insurrections visant à renverser le système : « La République absolue »… lors de la Troisième République. Puis, politisation…etc. (Cette stratégie n’empêcha cependant pas les manifestations et les crises qui aboutissent aux crises du 6 février 1934, mai 1958, et mai 1968). Cf. Danielle Tartakowsky, Le pouvoir est dans la rue.

c. Le rapport entre la loi, le droit et la justice

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